Amis lecteurs bonjour,
Aujourd’hui, pour les 5 ans de 9/11, la maîtresse a décidé de faire un field trip au Pentagone, pour que nous puissions tous revivre au mieux les attaques. Elle nous a donc donné rendez-vous à 6h30 sur le campus, oui, il fallait arriver tôt là-bas pour sur place à 9h37, quand l’avion a tapé. Alors nous, on était content, parce qu’on s’est dit qu’on allait pouvoir assister à une cérémonie, avec des jolis camions de pompiers, des militaires, des hélicoptères et des sirènes partout. En fait, non. On est arrivé en haut d’une bute, coincée entre une bretelle d’autoroute et une station service. Ah oui mais c’est La station service que l’avion a survolé avant de s’écraser plus loin sur le bâtiment.
Sur cette bute, il y avait une quinzaine de tentes blanches plantées, abritant chacune une équipe de journalistes. Derrière, leurs camions, avec les antennes et paraboles. Vraiment sans aucun intérêt. Alors nous, on est allé de tentes en tentes, pour regarder un peu qui il y avait, et pour faire quelques photos. Le but de la visite était d’interviewer des gens qui avaient vécus de prêt les attentats. Seulement ces personnes là étaient ailleurs et on a fini par recueillir des témoignages de gens qui cherchaient eux-même à recueillir des témoignages.
Un pote
Au milieu de tous ça, il y avait le Lieutenant B. D., de la Navy. Avec son calot et ses petites étoiles, il faisait le paon autour des journalistes. On s’est donc rabattu sur lui pour une interview, en se disant que quelqu’un qui travaille dans le département des public relations de la Navy doit avoir des jugements réfléchis à porter sur l’affaire. Effectivement, il a su trouver les mots avec beaucoup de sérieux : « you know, sometimes bad things happen to good people ». En parlant de l’Irak, il a ensuite ponctué par un « that’s the reason why we are doing all this ». Les autres étudiants l’écoutaient avec beaucoup d’intérêt, tout le monde était vraiment très sérieux. Nous aussi on voulait être sérieux. Sans succès. A la fin, une étudiante lui a demandé s’il avait d’autres choses à ajouter. Il a ponctué par un « the obligation to combat terrorism makes us good people, either you’re military or civilian ». Après cela, nous avons décidé de laisser Oui-Oui finir son cours de géopolitique pour réellement communiquer avec d’autres américains. Pierre a tenté une approche avec notre maîtresse, lui racontant ce qu’on venait d’entendre, et expliquant qu’en Europe on ne présente pas les choses de la sorte. Elle n’a pas compris.
Lieutenant Oui-Oui
Peu importe, on s’est dit que d’autres pouvaient nous comprendre. On est donc allé voir notre nouvelle copine Jennifer pour lui expliquer. Jennifer c’est une fille de notre étage qui aime bien se promener toujours avec des petits shorts mais elle vient du Minnesota. Elle non plus n’a pas compris, malheureusement. En revanche, Theresa qui écoutait d’un coin d’oreille a compris. Elle partageait notre avis. Theresa est allemande.
Jennifer, Piero, je sais pas, et Lina
Après 3 heures de zone sur la butte, nous sommes repartis en direction du mall de Pentagone City. Je n’ai pas tout de suite compri pourquoi on s’est tous posé au food court alors qu’il était 10h30, mais lorsque la maîtresse est arrivée à 10h45 avec une assiette de riz cantonnais noyé dans une viande en sauce, j’ai compris. Nous, on n’avait pas faim, et il fallait encore qu’on interview des gens. On a donc pris la caméra et le trépied et on est parti à la pêche aux infos. A peine avions-nous eu le temps de trouver Jean-Pierre Ricain se baffrant de tacos que 2 agents de sécurité sont venus nous voir. « Are you interviewing this man? »
« Yes. »
- I’m sorry sir, you’re not allowed. Do you have an official authorization?
- No. We didn’t know.
Là, j’avais déjà coupé la caméra. Depuis déjà une bonne minute. J’étais en train de ranger le trépied.
« Sir, you’re going to have to turn that camera off ».
“It is off. Sorry, we didn’t know. We’re exchange students from France; we’re studying journalism at AU.”
En fait, on savait très bien que filmer était interdit, pour preuve, la semaine dernière Pierre avait du effacer devant un policier toutes les photos qu’il avait prise du mall.
Après, on ne sait pas trop pourquoi, le monsieur s’est fâché. « It’s common knowledge that you’re not supposed to take images inside a mall. Where’s your teacher?”
Alors, on lui a dit que la maîtresse était en train de manger plus loin son riz et sa viande en sauce. Il a voulu qu’on l’y mène. Il ne rigolait pas du tout. Nous, oui. Lina est ensuite arrivée. Lina, c’est la suédoise de notre classe qui aime bien jouer à la chef. Elle a fait preuve de beaucoup de diplomatie pour calmer l’agent de sécurité qui est ensuite retourné dans sa niche.
Après quoi, on est tous rentrés au Campus en métro.
Mais il nous fallait encore une interview. Alors, quand on a vu sur le quai du métro un groupe de pilotes de l’US Air Force, on a sauté sur l’occasion. Seulement, ils n’avaient pas le droit d’être filmés, ni enregistrés. Donc, on a discuté. La discussion s’est prolongée dans la rame. Lina, celle qui aime bien jouer à la chef, parlait de Daniel Pearl à un des officiers, et du traitement de l’information concernant cette affaire. Elle établissait un parallèle avec le traitement d’une autre affaire, celle d’Abugraib. L’officier estimait que l’on n’avait pas assez parlé de Pearl et que ce qui se passait à Abugraib ne méritait pas qu’on en parle plus. A ce moment là, un quidam qui devait écouter depuis le début la conversation a surgi de nulle part, disant qu’il n’était pas d’accord avec l’officier et que les exactions américaines dans la prison irakienne avaient été, à son goût, beaucoup trop passées sous silence. On sentait le civil vraiment affecté par cette histoire, parfois presque au bord des larmes. Il soutenait mordicus que des gens y avaient trouvé la mort à la suite des tortures. Nous, on s’est complètement éclipsés de la conversation, on a bien compris qu’il ne faut pas trop l’ouvrir ici malgré le 1er amendement. Les 2 américains commençaient à avoir une discussion musclée lorsque nous sommes descendus à l’arrêt de l’université.
On a réessayé d’expliquer à notre copine Jennifer que le bien et le mal ne sont pas les uniques forces qui régissent le monde, tout en prenant d’immenses pincettes. Elle n’a toujours pas compris. La mentalité générale de ce pays me sidère de jour en jour. Je ne sais plus trop quel comportement adopter. Comme disait la fille de l’accueil, « the difference between you and us is that when you go to a foreign country, you feel like a foreigner. When we go to a foreign country, we still feel American ».
REVUE DE PRESSE :
Marc